La ballade de l’impossible Haruki Murakami

Dans le Boeing, posé sur l’aéroport de Hambourg, Watanabe est emporté par une vague de souvenirs, tandis qu’un vieil air des Beatles se fait entendre. « Tout va bien, je viens d’avoir un vertige », ment-il à l’hôtesse de l’air avant de conclure « je me sentais juste un peu seul ».

Dans sa tête, une tempête de nostalgie se déchaîne. Il est revenu dix-huit ans en arrière, lorsqu’il n’était qu’un jeune étudiant en art dramatique dans une université de Tokyo. La ballade de l’impossible, c’est cette tempête, c’est le vertige éprouvé par cet homme resté seul dans un avion, ce sont ces images, ces fantômes remontés du fin fond de sa conscience par quelques notes de Norvegian Wood.

Watanabe a dix-huit ans. Il vient juste de s’installer dans un foyer pour garçons de Tokyo, lorsqu’il rencontre accidentellement Naoko dans un train. N’ayant pas grand-chose à se dire, ils descendent au hasard et commencent à marcher sans but précis. Watanabe se tient quelques pas derrière elle. Aucun des deux n’ose évoquer la mémoire de Kizuki, le petit ami de Naoko et le meilleur ami de Watanabe qui s’est suicidé un an plus tôt. Rapprochés par ce douloureux souvenir, incapables de parler, ils se retrouvent souvent ainsi pour marcher toute la journée. C’est lors d’une de ces ballades que Naoko lui a fait jurer que jamais il ne l’oublierait. C’était juste avant qu’il ne couche avec elle, juste avant qu’elle ne disparaisse sans un mot.

Incapable de réagir à cette disparition, Watanabe noie son incertitude et son chagrin dans l’abrutissement de la solitude et le dégoût de quelques rencontres d’un soir. Il se lie d’amitié avec Midori, une étudiante fantaisiste, elle aussi marquée par la mort. L’évolution de leur relation naissante est interrompue par l’arrivée d’une lettre de Naoko envoyée depuis une maison de repos...

Dans un Japon estudiantin post 1968, entre passions culturelles et luttes politiques, l’auteur, Haruki Murakami – Le passage de la nuit , aborde avec une grande sensibilité les thèmes de la mort, de la maladie nerveuse, du suicide et de l’amour.
Pour l’ambiance, le récit est parsemé de références musicales : les Beatles, les Doors, Thelonious Monk, Miles Davis, Bach, Mozart et littéraires : Gatsby le magnifique de Fitzgerald, la Montagne magique de Mann, l’Ornière de Hesse.
Avec une infinie délicatesse, la plume de Murakami donne vie à une poignée de personnages profondément humains : Nagazawa, à qui tout réussit, mais qui n’en tire aucune satisfaction ; Reiko qui a tout perdu mais qui brille pourtant d’une étonnante lumière.

Dans ce long roman d’apprentissage, on ne peut qu’être touché par l’errance de Watanabe, perdu à l’aube de sa vie d’adulte entre les souvenirs douloureux, l’ambiguïté de son amour et la fidélité à sa parole donnée. La ballade de l’impossible est un trésor de tendresse, de charme poétique, de tension dramatique et d’intensité érotique.

Haruki Murakami, La ballade de l’impossible, Points, 2003, 442 p.

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