Avis sur le livre Dublinesca d'Enrique Vila-Matas
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je m’étais promis de passer le cap d’une nouvelle année en compagnie de Vila-Matas. Son esprit virevoltant, pétri de littérature serait un antidote aux assauts délirants et démonstratifs des fêtes de fin d’année. Je ne m’attendais pas avec Dublinesca à aller tambour battant « cap au pire » avec Beckett et Joyce dans un Dublin plutôt déprimant, à suivre un narrateur, ancien éditeur, à l’âge de la retraite, sevré in extremis de l’alcool, luttant contre un vide existentiel, construisant un voyage en Irlande afin d’enterrer Gutenberg à l’ère de Google. Rien de réjouissant si ce n’est que notre Enrique fait mieux que n’importe quel critique littéraire, c'est-à-dire toucher aux univers de deux maîtres de la littérature : aucun discours mais une façon d’entrer de plain-pied dans les enjeux d’Ulysse à Godot.
Je cherchais un antidote et me voilà servie : enterrer les livres, vieillir, errer en compagnie de fantômes dans l’espoir d’un saut anglais salutaire. J’ai la sensation d’avoir été deux fois en enfer avec ces deux livres, dire que c’est Mathis, le peintre et sa crucifixion qui ont tout déclenché. Tout cela n’est pas sans ironie. Ce n’était pas inutile, comme un alcool fort aide à digérer, ces deux romans sont à leur façon des brûleurs de graisses : ils m’ont coupée brutalement d’un certain endormissement bien-pensant qui englue aujourd’hui.