Duma key de Stephen King

Edgar Freemantle, entrepreneur au succès important, voit sa vie basculée quand une grue l’écrasa au volant de son véhicule ; il y perd le bras droit et son ancienne vie. Il part donc s’installer en Floride, à Duma Key, et se met à peindre, ce qui aura des conséquences inattendues et – forcément – redoutables.

Stephen King explore la création, la créativité et son origine. La muse de l’artiste est ici malsaine, et conduit à une forme d’art bien particulière, séduisante malgré tout, peut-être grâce à cette attraction d’un côté obscur… Créer, donc. Faire surgir quelque chose du rien, qui n’existait pas auparavant, ou du moins pas sous la forme de la création. Quelque chose que l’on peut partager, apprécier ou détester, quelque chose qui exprime – voire qui s’exprime – qui communique. Qui influence le réel. Qu’est-ce qui pousse à créer ? Est-ce une obligation, tant physique que mentale ? Un besoin, le soulagement d’un manque, combler un vide ? Une ré/re-création de l’esprit ? Le personnage de Freemantle n’est pas, au départ, « un artiste », et ne s’intéresse pas particulièrement à l’art – c’est aussi ce qui plaira aux critiques. Son bras disparu le démange, et peindre soulage la douleur (fantôme) liée à ce bras. Il ne contrôle rien de ce qu’il dessine et subit davantage qu’il contrôle son art. Mais une force qui le dépasse œuvre en lui, dont les desseins n’ont rien d’évident. Déroulement classique, final lovecraftien, mais écriture efficace et personnages non caricaturaux.

Au-delà de l’histoire, King (s’)interroge donc sur la créativité et l’origine de l’art, mais aussi ce qui en découle. Un peu à l'image de la théorie mimétique de René Girard :  Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien, et comment une création surgit du vide – de ce qu’il semble être vide ? L’artiste semble être la somme de ses influences, de son histoire, d’instants. Mais il fait venir au monde un nouveau faisceau de possibles, avec toujours pour finalité d’influer sur le réel, d’une manière ou d’une autre : plaisir du spectateur, renversement de ses perspectives, choc… déclencher un évènement, une réaction. La création semble surgir du néant, du cerveau ou bien des doigts ; les choses semblent se mettre en place plus ou moins naturellement, malgré/avec sa volonté. Puis la création échappe au créateur – comment m’est venue cette idée ? Pourquoi ce personnage peint semble triste ? Pourquoi cette musique, que je voulais joyeuse, part dans une direction totalement inattendue ?

La suite est travail, mise en forme, rabotage, ajout de détails etc. toute aussi cruciale que la première phase. Mais la naissance est souvent douloureuse ; il faut parfois aller creuser loin au fond de soi pour en sortir quelque chose, avoir la capacité d’explorer ses propres recoins, ceux que l’on ne veut pas forcément connaitre ni reconnaître, seuls aptes à l’épanouissement de l’œuvre. Au final, il ne semble pas y avoir de réponse définitive à l’origine de cette créativité ; et parfois, comme l’insinue ce roman, il vaut mieux ne pas trop savoir comment sont déposés les germes des idées…

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